Que vous appreniez à dessiner seul ou avec un autre atelier, il y a fort à parier que vous ayez entassé un bon paquet de feuilles volantes… dont une bonne partie a fini à la poubelle

• parce qu’on ne sait pas où ranger ses dessins ratés 🙁
• parce qu’on n’osera jamais les offrir ou les vendre 😬
• parce qu’on ne veut pas garder de trace de ses échecs 🫣

Et si vous les regardez un par un tous ces dessins, votre sentiment de satisfaction peut chuter car le ratio de dessins corrects/réussis est probablement assez faible sur l’ensemble de vos réalisations. (C’est valable pour tous les artistes pendant un long moment)

C’est sûr que vu comme ça… c’est un peu déprimant.

Quand j’étais aux Beaux-arts mon prof Jean-Michel Alberola avait cette chouette phrase que je continue d’employer :

« Il faut désacraliser le support »

Cette sacralisation du support c’est ce qui crée la fameuse angoisse de la page blanche et ses corollaires : déception, frustration et procrastination.

L’angoisse de la page blanche😱

L’angoisse de la BLANCHEUR ⬜

Face à un beau papier blanc ou à une toile vierge, on fantasme un résultat mirobolant pour lequel on n’est jamais à la hauteur.
Résultat :
=> on dessine crispé, tendu par la peur de mal faire.
=> on est déçu par ses réalisations
=> Ou pire… on ne passe jamais à l’action.

Une bonne solution pour “désacraliser” ce support immaculé est de le salir, de le froisser, de dessiner sur des papiers recyclés, des verso d’enveloppes etc.

Mais l’angoisse de la page blanche ce n’est pas que l’angoisse de la blancheur.

L’angoisse de LA page UNIQUE 📄

Le simple fait de dessiner sur une feuille isolée crée l’injonction implicite que le dessin devra se suffire à lui-même et exister comme une œuvre autonome. ​
Il devra se tenir seul, , être agréable à regarder, être abouti, il sera un objet en soi.
Rien de pire pour se restreindre et se crisper que de ressentir la nécessité de faire oeuvre.
​
D’ailleurs chez un autre atelier on vous encourage à dessiner plutôt que de faire des dessins.
​On vous encourage à remplacer le résultat par l’action.
​Car les résultats découlent de l’action.

Désacraliser LE dessin

C’est pour ça que la pratique du carnet est une excellente solution pour amplifier sa pratique et progresser en dessin (on a d’ailleurs fait une vidéo youtube sur le sujet)

=> on dessine beaucoup plus : chaque dessin est désinvesti de sa mission de chef d’oeuvre unique et comptabilisable pour n’être un simple maillon dans la grande chaîne d’une pratique féconde.

=> on se sent en sécurité : c’est un objet fermé, qu’on peut préserver des regards extérieurs.

=> on cherche avec plus de liberté : les maladresses de chaque dessin s’effacent au profit d’une recherche d’ensemble vivante, sincère et de plus en plus fluide

=> et on trouve : la liberté de cette recherche permet des trouvailles et l’élaboration d’une écriture personnelle.

Les vertus du carnet ❤️‍🔥

​Caroline Parent , illustratrice et amie de longue date, nous a fait le plaisir d’intervenir lors du live de mardi dernier sur la communauté. ​

Nous avons regardé avec bonheur ses carnets de jeunesse dans lesquels elle saisissait avec joie, humour et avidité son quotidien familial.

Caroline nous dit : « Dans le carnet on peut rater et on n’est rien obligé de terminer. La pratique du carnet m’a permet d’explorer et de découvrir mon écriture. Mes grands carnets en couleur m’ont ensuite servi de matière première et de point de départ pour faire de plus grands dessins ”

Si vous êtes abonné.e ATELIER LIVE ou ATELIER PREMIUM vous pouvez revisionner ce live et une généreuse sélection des carnets de jeunesse de Caroline juste ici. Pour découvrir le site web de Caroline et ses travaux actuels c’est par là et pour la suivre sur instagram c’est encore là ​

Mais on peut aller encore plus loin dans la “désacralisation » du support ou du dessin .
​
Car pour les dessinateurs débutants, la pratique du carnet peut rester tétanisante.

Le fantasme du « beau dessin fini » est difficile à déraciner.

On pense aux merveilleux carnets de voyage de Delacroix, de Turner, de Winslow Homer.

Le mot même de “carnet” peut faire surgir une image intimidante : celle d’un magnifique livre d’artiste, où chaque page serait une réussite éclatante.
Or, pour un débutant, rassembler ses essais imparfaits dans un même carnet peut sembler encore plus effrayant que de jeter une feuille ratée.

Désacraliser le carnet

Une excellente manière de désacraliser le carnet est d’en changer l’usage et la destination.

Au lieu d’en faire ce livre-bijou où de magnifiques dessins inspirés et spontanés s’égrèneraient à chaque page, suscitant l’admiration – la sienne et celle des autres…

Faites-en un journal de bord, un carnet d’apprentissage qui vous sert à VOUS pour suivre VOTRE progression.

Le carnet comme journal de bord 🧭📚

Sur la communauté, deux de nos membres nous régalent et nous inspirent par la tenue d‘un tel journal de bord de leur apprentissage : Anne K et Doudou (merci 🙏)

• Ils y reformulent ce qu’ils ont compris (ou pas) des cours et de leur application
• Ils y font et refont leurs exercices
• Ils y collent des morceaux de cours imprimés, des bouts de croquis
• Ils y notent leurs sensations et leurs analyses par écrit ou sous forme de schémas.
• Ils y consignent les conseils reçus, les idées pour progresser
• ils numérotent leurs carnets aussi, les épisodes de cours, les temps d‘exercice pour chaque dessin ou croquis. Et Il datent également les pages et les carnets pour les organiser en collection.

Et cette pratique a bien des avantages !

Les bienfaits du carnet d’apprentissage 🌱

🔍 Apprendre à mieux apprendre

En consignant non seulement vos dessins, mais également vos réflexions, vos difficultés et vos idées, vous analysez votre propre manière d’apprendre. ​
C’est ce qu’on appelle la métacognition (penser sur ses propres pensées)

Cette prise de recul fait du journal de bord un outil d’auto‑évaluation puissant qui transforme l’apprentissage en une expérience active et consciente.

Cette observation régulière de son évolution permet une meilleure auto-régulation à la fois du rythme de son apprentissage mais aussi des émotions qui y sont liées.
​
​La frustration et l’impatience sont mieux gérées.
​L’autonomie et la motivation sont accrues.

🌳 Mieux ancrer les acquis

Tenir un carnet de croquis accompagnés d’écrits oblige à reformuler et synthétiser, ce qui renforce la mémorisation. ​
​
Dans le cadre du dessin on mémorise des méthodes, des processus techniques, des notions techniques complexes mais aussi d’histoire de l’art.

En posant vos pensées et vos recherches jour après jour sur le papier, vous ancrez durablement ce que vous venez de comprendre car l’écriture active favorise la réflexion mentale, en mobilisant ensemble plusieurs zones cérébrales.
​
​Vous transformez une connaissance furtive en un savoir solide.

🏛️ Conscientiser pour progresser

La recherche en éducation montre même que cela a un impact sur les compétences expressives et créatives.

🎯 Rendre sa progression visible

Un carnet, ça se range facilement dans une bibliothèque, on peut l’attraper rapidement pour le feuilleter.
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​Une collection de carnets d’apprentissage permet de visualiser tout le chemin parcouru.
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Tourner les pages de ces carnets, c’est voir défiler sous ses yeux sa propre évolution : ce qui semblait impossible il y a trois mois est désormais accessible.
​
Cette transformation des impossibilités d’hier en des possibles aujourd’hui, renforce la confiance en soi et accroît la volonté, et la relativisation face aux difficultés. ​
​
​Le carnet devient la preuve même de votre progression.

📔 Transformer l’apprentissage en rituel enthousiasmant

Le carnet dédié à l’apprentissage devient le lieu de la compréhension, des tentatives et des prises de conscience.

​L’erreur, intégrée au processus, y est banalisée et même valorisée.
​Au lieu de subir vos maladresses et votre « niveau débutant », vous redevenez maître de votre pratique artistique.

Dans L’exercice de la pensée avec le journal des apprentissages, en faveur de la secondarisation des élèves Philippe Clauzard, chercheur en sciences de l’éducation explique que tenir un journal d’apprentissage permet de distancier les savoirs.

L’expérience laborieuse de l’apprentissage est reconfigurée en un objet mental analysable.
​
​On ne s’associe plus à son erreur, on l’objectivise comme faisant part d’un processus de transformation.

Je vous encourage donc vivement à essayer ! 🚀

=> consignez vos dessins, vos observations et vos réflexions dans un carnet qui accompagne votre découverte du dessin et de la peinture.

=> Envisagez le comme un journal de bord plutôt que comme un “carnet de dessin”, faites en un outil, pas une vitrine !

Une telle pratique vous permet de

• mieux réguler votre rythme de travail
• développer votre autonomie
• mieux mémoriser les acquis
• relativiser les difficultés
• prendre de la distance avec vos erreurs
• mieux orienter vos efforts
• renforcer votre confiance en vous
• entretenir votre motivation

Et si vous commenciez aujourd’hui ?
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Un grand merci à Ann K et Doudou de nous avoir prêté leurs dessins pour cette lettre.
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J’espère que cette newsletter vous aura intéressé et servi !

N’hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé et, si vous mettez en pratique ce conseil par la suite à me faire part de vos observations !
​
Charlotte

ps : c’était le 69ème édition de la Bobine, notre newsletter bi-mensuelle du vendredi