Une composition picturale ne se résume pas à un bon dessin.
Bien sûr, la construction graphique (placement, échelle, cadrage, lignes de force ) joue un rôle essentiel.
Mais une fois ces fondations posées, l’intervention de la couleur ne se limite pas à « remplir » les formes.
Elle transforme en profondeur la lecture de l’image, sa lisibilité, son impact et son pouvoir narratif.
Dans cet article, nous allons détailler les trois fonctions fondamentales de la couleur dans une composition :
- attirer l’attention,
- organiser la lecture
- et hiérarchiser les éléments du récit.
Cet article est issu de la vidéo youtube ci-dessous
1. Attirer l’attention : créer un point d’entrée visuel
Pour qu’une image fonctionne, elle doit capter le regard du spectateur.
Une bonne métaphore consiste à comparer une image à une page de texte.
Un pavé illisible repousse le lecteur, tandis qu’un titre clair en gras suscite l’intérêt.
En peinture, c’est exactement la même logique.
Prenons l’exemple d’une femme en robe rouge dans une foule noire. Son allure attire l’attention, certes, mais même si on remplaçait cette silhouette par une simple forme rouge ou une poubelle, l’effet visuel fonctionnerait toujours : c’est le contraste qui agit.
La couleur saturée dans un environnement terne agit comme un aimant visuel.
Ce que l’on appelle « contraste », c’est la différence frappante entre deux éléments.
Il en existe plusieurs formes :
– Contraste de saturation : une couleur vive dans un univers éteint.
– Contraste de valeur : une opposition clair/sombre.
– Contraste de teinte : deux couleurs différentes qui se répondent ou s’opposent.
Un exemple emblématique : une nature morte de Clément Serveau, où certaines zones captent immédiatement le regard par leur contraste entre valeurs extrêmes et couleurs vives.
À l’inverse, en retirant ces contrastes, l’image devient plate et difficile à lire.
Notons que le contraste n’est pas toujours violent : chez Morandi, des nuances subtiles suffisent à guider l’œil.
L’important est de créer un point d’accroche.
2. Organiser la lecture : structurer l’image
Une fois l’attention captée, encore faut-il organiser l’image pour qu’elle soit compréhensible.
Le regard cherche naturellement à comprendre ce qu’il voit : où suis-je ? que se passe-t-il ? quelle est l’information principale ?
Revenons à notre métaphore textuelle. Un article bien construit comprend des paragraphes, des titres, des zones de respiration.
Une image doit proposer le même type de structure visuelle.
La couleur permet de distinguer les masses et les plans.
=> Deux éléments aux teintes et valeurs opposées seront perçus comme distincts.
=> Deux éléments aux couleurs proches fusionneront.
Prenons un exemple pictural : deux femmes se reposent dans un paysage. L’une lit, l’autre dort au soleil.
Autour d’elles : arbres, tissus, plage, mer, horizon…
Mais tous ces éléments sont peints dans des couleurs proches, formant un fond homogène.
En revanche, les deux femmes se détachent par de grands blocs colorés. Ainsi, le peintre nous indique où regarder sans surcharger l’image.
Cette étape consiste donc à clarifier les masses, dissocier ce qui est important de ce qui fait contexte.
Cela implique souvent de résister à la tentation de tout individualiser. Vouloir rendre chaque élément distinct affaiblit l’ensemble : Car si tout est important, plus rien ne l’est.
3. Hiérarchiser : distribuer les rôles dans l’image
Une image, comme une histoire, a besoin de rythme.
Il y a des temps forts, des détails secondaires, des moments de respiration.
C’est la couleur qui peut assumer ce rôle hiérarchique.
Imaginons une scène où deux femmes reposent dans un même cadre.
Dans une version de la composition, elles sont également mises en valeur : mêmes valeurs, mêmes teintes, même présence.
Dans une autre version, l’une d’elles se fond dans le fond, l’autre se détache par son contraste, sa couleur, sa construction.
Il y a dès lors une narration implicite : une femme en attente, une autre dans le retrait, une tension ou un silence.
Les objets eux-mêmes peuvent participer à cette narration hiérarchique.
Une cruche claire au pied d’un bouquet sombre peut résonner avec les deux personnages précédents.
La composition devient un réseau de résonances, et l’œil circule selon des lignes de force invisibles mais sensibles.
Hiérarchiser, c’est accorder plus ou moins d’importance à chaque élément.
C’est distribuer les rôles : principal, secondaire, contexte.
C’est aussi permettre au spectateur de circuler librement, d’élaborer ses propres interprétations, de projeter son propre récit.
Conclusion : la couleur comme langage narratif
On considère souvent la couleur comme un simple habillage : un citron est jaune, un ciel est bleu.
Mais en composition, la couleur n’a pas qu’un rôle descriptif, elle a aussi un rôle narratif.
Elle devient un vecteur d’attention, de structure, et de sens.
Elle attire l’œil, organise les masses, hiérarchise l’information.
Elle est à la fois guide, metteur en scène, et dramaturge silencieuse.
Une bonne composition n’est pas seulement un bon dessin mis en couleur, c’est une intention claire rendue lisible par un usage intelligent de la couleur.
Cette vidéo et cet article sont une version condensée de l’épisode 25 de notre formation COULEUR.
Nous y abordons chaque étape en profondeur, avec des démonstrations, des exercices et un accompagnement collectif.
