Qu’est ce qu’un raccourci ?
Le raccourci est un effet de perspective qui fait paraître une partie du corps plus courte qu’elle ne l’est en réalité, parce qu’elle est orientée vers ou à l’opposé du regard de l’observateur.
Un bras tendu vers nous semble plus court,
Un bras tendu vers nous semble plus court,
une cuisse repliée vers la poitrine disparaît derrière le mollet
Les formes peuvent être raccourcies par la perspective, de la même manière que l’objectif photographique peut agrandir certaines zones, notamment lorsqu’elles sont proches de la caméra.

Pourquoi est-ce si difficile de dessiner un raccourci ?
Ce raccourci créé par la perspective crée un conflit cognitif.
Le dessinateur “sait bien” qu’un bras est plus long qu’une main et refuse de le dessiner plus petit.
Il résiste à l’idée qu’il puisse ne mesurer que quelques centimètres sur le papier.
En bref, le dessinateur a du mal à se détacher de sa “pré-connaissance” et à faire confiance à ce qu’il observe.
Et c’est là que le piège se referme pour les débutants qui sans s’en rendre compte, rallongent ces parties du corps pour leur rendre leur taille initiale.
Ils les « corrigent » pour les faire à nouveau rentrer dans un canon anatomique familier.
Cette correction du raccourci rend le dessin maladroit : moitié observé, moitié reconstitué.

Les différentes méthodes pour bien traduire le corps en raccourci
La modélisation en volumes
Beaucoup d’articles et de vidéos conseillent de découper le corps en volumes (cylindres, sphères, blocs) qu’on orientera dans l’espace.
Cette méthode peut être utile dans une approche d’invention et d’animation mais elle présente plusieurs écueils :
- d’abord elle fige le dessin dans une structure trop rigide. Le corps est mis en boîte et ressemble vite à un pantin articulé.
- Ensuite elle éloigne le dessinateur des enjeux du dessin d’observation qui lui demande justement de se détacher de toute pré-connaissance théorique pour prendre des informations concrètes.
- Enfin elle mobilise des compétences complexes en perspective ce qui empêche donc au dessinateur débutant de se frotter à ce genre de sujet. En effet il faudrait d’abord être capable de dessiner des volumes en perspective pour être capable de dessiner un corps en raccourci.
Une autre voie existe, beaucoup plus simple et largement plus efficace : l’observation pure.
L'OBSERVATION PURE
Une méthode sensible, efficace, intuitive, qui permet d’aborder les raccourcis sans passer par la géométrie. Ici, pas de cylindre, ni de cube, encore moins de point de fuite :
on apprend à dessiner ce que l’on voit, pas ce que l’on croit savoir.
Si votre objectif est de progresser dans la construction et les proportions, mieux vaut apprendre à faire confiance à votre œil.
Dans cet article, on vous propose donc une approche sensible et directe pour dessiner le corps en raccourci uniquement l’observation en mobilisant plusieur outils ultra concrets

DESSINER LE CORPS EN RACCOURCI GRÂCE À L'OBSERVATION
1 TOUJOURS PASSER PAR L'extérieur
La zone raccourcie créant un conflit cognitif, mieux vaut ne jamais l’aborder frontalement.
C’est en résolvant ce qui se passe autour du raccourci que vous pourrez le traduire avec justesse.
Le bras est raccourci ?
=> Observez le vide entre la main et le bras
=> Cherchez la distance main – aisselle
=> cherchez l’incidence bas de la main – poitrine
=> cherchez l’incidence côté gauche de la main -genou

2 s'aider des formes négatives ou "vides"
Les formes négatives sont les espaces entre les membres, entre le bras et le torse, entre les jambes, entre un coude et un genou replié.
Ces formes sont souvent plus faciles à observer que les membres eux-mêmes.
Pourquoi ?
Parce qu’on n’y projette rien : un vide n’a pas une forme attendue.
On traduit donc un vide avec plus d’objectivité.
Le vide entre un bras levé et la tête forme un triangle ?
L’espace entre les jambes forme une sorte de losange allongé ?
Dessinez ce vide avec précision.
Il vous aidera à bien positionner les éléments du corps, sans avoir à les modéliser.
Il vous aidera à bien positionner les éléments du corps, sans avoir à les modéliser.
Cette méthode est redoutablement efficace en raccourci, car les formes négatives traduisent naturellement la perspective sans que vous ayez à la construire.

3 Projeter des axes traversants et fiables
Face à une pose complexe, commencez par choisir des repères fixes
Une verticale imaginaire (axe de la main – genou…)
Une horizontale (ligne du coude – aisselle…)
Puis observez :
Où se situe la main par rapport à cette verticale ?
Quelle inclinaison forme l’avant-bras par rapport à l’horizontale ?
Quelle est la distance (visuelle) entre le pouce et l’aisselle ?
En traçant ces axes dans votre dessin, vous créez une structure d’observation qui vous guide, sans passer par la perspective.

4 Emballer c'est peser
Un humain debout prend la forme d’un cercueil mais dans le cadre de poses au sol particulièrement raccourcies, le corps est très éloigné de sa forme habituelle.
La forme qui l’englobe est plus allongée ou écrasée.
Chercher la forme d’ensemble, qu’on appelle aussi polygone d’enveloppe se révèle très pratique pour proportionner l’ensemble du corps.
On cherchera les points les plus extrêmes du sujet :
=> les sommets de la pose
=> les sommets de la pose
Puis on observera les axes qui relient ces points :
=> leur longueur et leur inclinaison
=> leur longueur et leur inclinaison

5 Observer sans nommer
L’une des erreurs fréquentes consiste à penser en « main », « pied », « bras ».
Cette approche vie bien sûr à créer du sens : on ne peut pas s’en empêcher.
Mais un bras vu de face, replié, raccourci, ne ressemble plus du tout à un bras.
Il devient une forme ovale, ou triangulaire, avec des cassures inattendues.
Le dessinateur d’observation est capable de donner du sens à ce qu’il dessine ( c’est un pied) tout en s’attachant en priorité à la forme de ce qu’il dessine ( c’est un ovale)
Cette translation est essentielle pour éviter de redonner aux éléments du corps leur forme stéréotypée.
C’est pourquoi il est essentiel d’apprendre à penser en formes et en angles, sans chercher à nommer les parties du corps.
En reconfigurant votre vocabulaire, vous transformez votre regard et donc votre dessin.
Car dessiner un raccourci, c’est apprendre à dessiner ce que vous voyez et non ce que vous savez.

Accepter l'absurde et se soumettre à l'observation
Le plus difficile, dans le raccourci, c’est de résister à l’envie de corriger.
Ce que vous voyez ne semble parfois n’avoir aucune logique anatomique.
Et pourtant, c’est bien la forme que prend ce corps vu sous un certain angle.
Plutôt que de passer par la connaissance théorique, apprenez à observer selon le prisme de la géométrie.
C’est votre œil qui vous guidera.
Et avec le temps, votre main apprendra à lui faire confiance.
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